La belle violence conjugale
- Editeur : Flammarion - J'ai lu
- Prix : 7,40 €
- En un mot ? : réducteur
Résumé : Kyle a cinq ans lorsqu'il découvre sa mère morte sous les coups de son mari. Recueilli par sa soeur, le petit garçon se réfugie dans la musique. Vingt ans plus tard, il est devenu une rockstar adulée par le monde entier. Mais rien n'efface la colère qui l'habite.
Coryn épouse Jack Brannigan alors qu'elle a dis-sept ans. Sous ses aspects d'homme parfait, Jack s'avère vite être un mari possessif, jaloux et violent.
Un jour, alors que Coryn se promène avec ses deux enfants, l'un d'eux échappe à sa vigilance et se fait renverser par une voiture.
A cet instant précis, les dessins de Kyle et de Coryn s'entremêlent. Mais comment ces deux êtres que tout semble séparer auraient-ils la moindre chance de s'aimer ?
J'avais été bien préservée de l'engouement dont ce livre a fait objet début 2014. Je suis tombée dessus vraiment par hasard dans mon Cultura et je me suis fait avoir par le titre (erreur n°1). J'avoue. Je l'ai embarqué sans même lire le résumé (erreur n°2). J'avoue. Et bien ma sanction a été sans appel : je n'ai pas aimé, pire, j'ai été dérangée par le message que le livre sous-entend. Laissez moi vous expliquer pourquoi :
1/ Tu seras belle ma fille : l'héroïne n'a aucune personnalité, mais qui
s'en soucie, elle est belle : ça suffit ! Bon, c'est vrai, l'auteur a tout de
même pris soin de la pourvoir de toutes les qualités de la femme belle et donc
forcément parfaite : elle est donc aussi évidemment douce comme un bichon
maltais, se déplace comme un ange (elle doit donc voler j'imagine), bouge comme
une mélodie (espérons pour elle plus classique que hard métal) et ne va jamais aux toilettes !
Le soucis que j'ai avec ce choix de personnage c'est que ça laisse sous-entendre ça : Coryn doit tout ce qui lui arrive à son physique. Que ce soit le pas cool : son mariage avec le méchant, mais riche, Jack. Ou le cool : retenir l'attention de Kyle (rockstar planétaire).
Pourquoi Coryn n'a pas pu être banale ou même, excusez mon audace, seulement normale ? Parce que quand on est comme tout le monde, on ne vaut pas la peine de retenir l'attention d'une rockstar ? Parce que quand on a un physique qui ne laisse pas supposer qu'on a été façonné directement par la main de Dieu, notre sort n'intéresse plus personne ? C'est ce que je comprends en lisant ce livre et c'est pas vraiment positif. Est ce que pour une fois, on pourrait arrêter d'embellir la réalité, surtout quand on aborde des thèmes aussi forts que la violence conjugale ? Le message n'aurait-il pas été d'autant plus puissant et porteur d'espoir si Coryn avait pu incarner une femme lambda ? Je crois que si. L'histoire n'aurait-elle pas pu être la même si Coryn avait eu un physique dit ingrat ? Je crois que si.
2/ Tu veux des clichés ? En voilà : autre problème majeur, si Coryn trouve la force de s'en sortir, elle le doit uniquement à un autre homme. Si elle n'avait jamais rencontré Kyle, elle ne s'en serait jamais sortie. Encore une fois, pour un message de femme forte et indépendante, on repassera. Coryn passe des mains de son père à celles de son mari (littéralement là pour le coup) à celles de Kyle (non ce n'est pas un spoil, qui peut sérieusement douter à la lecture du résumé qu'ils ne finiront pas ensemble : personne).
Le sauveur de la belle présente les mêmes problématiques que la belle elle-même : il n'existe pas. C'est un condensé de tous les clichés qu'on nous rabâche sur l'homme parfait. Il est célèbre, il est chanteur, il est riche, il est torturé, il est rebelle, il est beau et on pourrait continuer comme ça longtemps. Franchement, là encore, pourquoi ce choix de personnage ?? Parce qu'un boulanger ou un prof de maths ça n'aurait pas été assez sexy ? Mais pourquoi l'auteur a-t-elle voulu rendre cette histoire sexy ? Le fait de vouloir tout embellir tout le temps au contraire ne sert pas du tout le propos. A ce point, c'en est écoeurant.
3/ Des raccourcis ? En voici : Comment Kyle découvre-t-il que Jack bat Coryn ? En un regard. Pendant la moitié du roman, alors qu'il n'a aucune preuve tangible de la situation, il va déployer des moyens dignes d'un dérangé pour en obtenir. Sur ce point, remercions tous la police de San Francisco qu'on n'a jamais vu aussi coopérative et qui à sa demande va faire des rondes devant chez elle parce qu'apparemment, l'idée que Jack choisisse de la frapper sur le perron ou au bout de l'allée du jardin bien en évidence sous le lampadaire plutôt qu'à l'abri des regards, bien caché dans sa propre maison, ne dérange que moi.
Comment décide-t-il que c'est elle la femme de sa vie et pas une autre parce que c'est elle et c'est tout ? En un regard (la personnalité ? oh bah forcément en accord avec le physique donc parfaite). Ils doivent s'échanger une dizaine de phrases maximum pendant leur première rencontre mais ça suffit à obséder une rockstar, donc pas forcément la personne la moins occupée du monde, pendant plus de six mois, sans avoir aucune nouvelle de la belle ou concrétisation dans ses suppositions. Heureusement qu'il n'a pas croisé une deuxième femme battue en allant à la poste !
Je passe sur la fin invraisemblable de Jack (RIP au serment d'Hypocrate & au respect du corps médical), les retrouvailles ultra télescopées des héros (heureusement que Coryn n'a pas lu un deuxième livre durant toutes ces années !), les personnages qui ne sont là que pour servir l'histoire à un moment donné et qui s'en vont aussi gentiment qu'ils sont arrivés (Mary, date d'apparition : page 200 date de disparition : page 235, si vous la retrouvez, n'agissez pas seul!) etc etc ...
Tout ça pour dire : je ne recommanderai pas ce livre. Ou alors uniquement à quelqu'un qui saura faire la part des choses et qui sait que rien n'est jamais tout blanc ou tout noir et que c'est ce qui fait la richesse d'une existence.
